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Gestionnaire03

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Les personnels (5)
La Responsabilité financière des gestionnaires publics (RGPou RFGP) I - Les principaux textes. Ordonnance n° 2022-408 du 23 mars 2022 relative au régime de responsabilité financière des gestionnaires publics (RGP). Décret n°2022-1605 du 22 décembre 2022 portant application de l'ordonnance n° 2022-408 du 23 mars 2022 Ce décret supprime toutes les références au jugement des comptes et des gestions de fait, à l'apurement administratif des comptes ainsi qu'à l'examen des états de restes des comptables secondaires de la direction générale des finances publiques (DGFiP) et des comptables de la direction générale des douanes et des droits indirects. Il abroge également l'ensemble des décrets relatifs à la mise en œuvre de la responsabilité personnelle et pécuniaire des comptables publics, régisseurs, huissiers de la DGFiP, trésoriers et sous-trésoriers militaires ainsi que des comptables des organismes de sécurité sociale. Il supprime les réserves pouvant être formulées par les comptables à l'occasion de leur installation ainsi que leur obligation de cautionnement. La mise en place du nouveau régime de responsabilité ne modifiant ni le positionnement ni les missions de contrôle des comptables publics et assimilés, les différentes indemnités de caisse et de responsabilité sont renommées en indemnités de maniement de fonds. La fin du jugement des comptes se traduit par la suppression de la transmission automatique des comptes et pièces justificatives à la Cour des comptes et aux CRC. Le décret précise les conditions de production des comptes et des pièces justificatives, les modalités de conservation et d'archivage. Le décret supprime également la prestation de serment des comptables devant le juge des comptes au profit d'une prestation de serment devant une autorité administrative. Le décret précise également les conditions de mise en œuvre de la possibilité pour le comptable de signaler à l'ordonnateur des faits susceptibles de constituer une infraction au titre de l'article L.131-9 du code des juridictions financières tel que modifié par l'ordonnance précitée. Il fixe également les conditions de prise en charge des déficits résultant exclusivement des fautes ou des erreurs des comptables publics de l'Etat. Le décret instaure enfin une procédure simplifiée pour la libération du cautionnement des comptables, régisseurs et des huissiers des finances publiques auprès des organismes agréés par le ministre du budget. Un article paru sur l’AJI qui résume la RGP. Les modifications des divers textes induites par la réforme RGP (doc d’Aix-Marseille). Décret 2022-1604 du 22 décembre 2022 relatif à la chambre du contentieux de la Cour des comptes et à la Cour d'appel financière et modifiant le code des juridictions financières Décret n° 2022-1698 du 28 décembre 2022 modifiant le décret n° 2012-1246 du 7 novembre 2012 relatif à la gestion budgétaire et comptable publique. Arrêté du 29 décembre 2022 relatif à l'organisation du service des comptables publics. Décret 2023-520 du 29 juin 2023 portant application des mesures de simplification et d'harmonisation des procédures de l'ordonnance 2022-408 du 23 mars 2022 relative au régime de responsabilité financière des gestionnaires publics et diverses dispositions d'actualisation du code des juridictions financières. Des précisions sur les procédures devant la juridiction financière Signalement du comptable à l’ordonnateur. L'article L.131-7 du code des juridictions financières prévoit que, dans les conditions prévues par décret, le comptable peut signaler à l'ordonnateur toute opération qui serait de nature à relever des infractions prévues à l'article L.131-9 ; c’est-à-dire les infractions aux règles relatives à l'exécution des recettes et des dépenses ou à la gestion des biens de l'établissement dont il assure la comptabilité. L’article 38 du décret du 7 novembre 2012 dispose que l'ordonnateur auquel sont signalés des faits ne motivant pas la suspension de paiement mais susceptibles de constituer une infraction au sens de l'article L.131-9 du code des juridictions financières informe le comptable public à l'origine de ce signalement des suites qu'il donne à ce dernier dans des conditions fixées par arrêté du ministre chargé du budget. L' arrêté du 19 décembre 2023 explicite les modalités de ce signalement du comptable à l’ordonnateur : « Le signalement prévu au premier alinéa de l'article L.131-7 du code des juridictions financières est adressé par écrit signé du comptable à l'ordonnateur. Le signalement est motivé. Il se réfère expressément au présent arrêté et comprend notamment une description de l'opération en cause et un rappel de la règle de droit à laquelle l'opération semble contrevenir. Il peut comporter des propositions de mesures correctives concernant l'opération visée par le signalement ou pour des opérations ultérieures de même nature. Concomitamment à la communication prévue à l'article 1er, le comptable public adresse une copie du signalement aux autorités suivantes : - pour les agents comptables d'établissements publics locaux d'enseignement relevant du ministère de l'Education nationale (…) au recteur d'académie. » Prise en charge des déficits comptables. L’ arrêté du 18 décembre 2023 indique que peuvent être pris en charge par l'Etat certains déficits résultant exclusivement des fautes et erreurs des comptables des EPLE. Sur demande préalable de l'ordonnateur de l’EPLE, le directeur régional, départemental ou spécialisé des finances publiques décide la prise en charge par l'Etat des déficits suivants résultant exclusivement des fautes ou erreurs de l’agent comptable dont les montants sont inférieurs ou égaux à deux cent mille euros : - Perte de valeur dont le comptable a la garde, - Manquants et d'erreurs de caisse notamment ceux liés à l'encaissement de fausse monnaie. Pour ces mêmes déficits dont le montant est inférieur ou égal à cinq mille euros, le directeur régional, départemental ou spécialisé des finances publiques informé par le comptable assignataire concerné peut décider la prise en charge par l'Etat, sans demande préalable de l'ordonnateur de l'EPLE. Une présentation de cet arrêté sur le site Espac’EPLE . Les déficits des régisseurs sont pris en charge sur le budget de l’EPLE concerné. Une confirmation apportée par la réponse ministérielle du 6 juin 2025 que la DGFIP ne prend en charge les déficits que lorsqu’ils résultent exclusivement de fautes ou d’erreurs commises par ses comptables publics. Dans tous les autres cas, la couverture du déficit incombe au budget de l’EPLE II – Présentation de la réforme. L' ordonnance du 23 mars 2022, prise en application de la loi de finances du 30 décembre 2021, crée un régime juridictionnel unifié de responsabilité des gestionnaires publics qui est entré en application le 1er janvier 2023. L’objectif de la réforme est de réserver l’intervention du juge financier aux infractions les plus graves ayant causé un préjudice financier significatif à l’organisme public concerné, ainsi qu’à celles qui sont considérées comme importantes pour la bonne gestion. Les erreurs ou fautes les moins graves relèveront du pouvoir de sanction de l’autorité de tutelle des agents concernés, sans l’intervention du juge. Avant cette réforme il existait deux régimes d’engagement de la responsabilité financière : - Celui concernant les comptables publics sui étaient soumis à une responsabilité personnelle et pécuniaire (RPP) devant les Chambres régionales des comptes (CRC) et la Cour des comptes (CC), avec des risques importants pour des fautes commises majoritairement par les ordonnateurs, souvent mineures et purement formelles. - Celui concernant principalement les ordonnateurs dont la mise en cause de la responsabilité pouvait faire l’objet de sanctions pour des fautes graves devant la Cour de discipline budgétaire (CDBF) ; mais avec très peu de jugements. La CDBF et le régime de responsabilité personnelle et pécuniaire du comptable disparaissent avec la mise en place d’un régime d’engagement unifié de la responsabilité financière des gestionnaires publics. Cette réforme touche également, par ricochet, la responsabilité des régisseurs. A à la différence du régime de RPP dans lequel le comptable était mis en débet en cas de manquement dans l’exercice de ses contrôles alors même qu’il n’était pas à l’origine de la faute, le nouveau régime conduit à sanctionner la personne directement à l’origine de l’infraction. Par ailleurs il a pour objectif de sanctionner une faute et non pas de réparer un préjudice financier. III - La notion de gestionnaire public. Cette réforme concerne tous les agents publics : les ordonnateurs et les comptables bien sûr mais également les fonctionnaires, contractuels, agents de droit privé exerçant une mission de service public (art. L131-1 du Code des juridictions financières), à l’exclusion des ministres et des élus locaux (sauf pour certaines infractions). Les chefs de service seront principalement concernés plutôt que les agents dont l’action se limite à appliquer les directives ou à suivre les instructions. Si les chefs d’établissements ordonnateurs et les agents comptables continueront d’être en première ligne pour l’application de cette réforme ce sera également le cas désormais des adjoints gestionnaires qui sont concernés au premier chef par cette nouvelle règlementation. Mais d’autres personnels des EPLE pourront se voir sanctionnés aussi, notamment dans le cadre de la « gestion de fait ». L’ordonnance de mars 2022 précise que l’agent ne sera pas passible de sanctions s’il n’a fait que se conformer aux instructions de son supérieur hiérarchique ou de toute personne habilitée ou s’il peut exciper d’un ordre écrit émanant d’une autorité non justiciable. Article L.131-5 : « Le justiciable qui agit conformément aux instructions préalables de son supérieur hiérarchique et d'une personne habilitée n'est passible d'aucune sanction. La responsabilité du supérieur hiérarchique ou de la personne habilitée se substitue, dans ce cas, à la sienne. Ces dispositions ne sont pas applicables dans le cas où l'instruction donnée est manifestement illégale et de nature à compromettre gravement un intérêt public ». Article L.131-6. : « Les justiciables ne sont passibles d'aucune sanction s'ils peuvent exciper : 1° D'un ordre écrit préalable émanant d'une autorité mentionnée aux 1° à 15° de l'article L. 131-2, dès lors que cette autorité a été dûment informée sur l'affaire ». A signaler l’ouverture, en complément du nouveau régime de responsabilité des gestionnaires publics, par la Cour des comptes d’un portail de signalement mis à dispositions des citoyens tout en conservant l’anonymat. Ce portail permet de signaler tout dysfonctionnement important dans une entité publique ou dans un organisme susceptible d’être contrôlé par la Cour ou par les chambres régionales et territoriales des comptes. IV - Les fautes sanctionnées. L’ordonnance introduit dans le Code des juridictions financières les infractions suivantes : - les fautes graves (art. L.131-9) ayant causé un préjudice financier significatif par le non-respect des règles d’exécution des recettes et des dépenses ou de la gestion des biens publics. Le caractère significatif du préjudice financier est apprécié en tenant compte de son montant au regard du budget de l'entité (donc de l’EPLE). A noter que les autorités de tutelle, lorsqu'elles auront approuvé ces faits, seront passibles des mêmes sanctions ; - l’obstruction à une procédure de mandatement d’office (art. L.131-11) ; - l’octroi d’un avantage injustifié à une personne morale, à autrui, ou à soi-même, en méconnaissance de ses obligations et par intérêt personnel direct ou indirect (art. L.131-12). Bien que présentant des similitudes, cette infraction est différente du « délit de favoritisme » dans le cadre des marchés publics visé par l’article 432-14 du Code pénal ; - la non production des comptes dans les délais, y compris pour un comptable commis d’office (Art. L.131-13) ; - l’engagement d’une dépense, sans en avoir le pouvoir ou sans avoir reçu délégation à cet effet (art. L.131-13) ; - l’inexécution d’une décision de justice (art. L.131-14) ; - la gestion de fait (art. L.131-15). Voir la définition . L’article L.142-1-12 du CJF précise par ailleurs que les poursuites devant la Cour des comptes ne font pas obstacle à l'exercice de l'action pénale et de l'action disciplinaire. V - RGP et protection fonctionnelle. Dans sa décision du 29 janvier 2025, le Conseil d’Etat a précisé que le droit à la protection fonctionnelle ne s’applique pas aux agents publics faisant l’objet de poursuites devant la Cour des comptes. La haute juridiction administrative a constaté que les sanctions financières prononcées par la Cour des comptes ne revêtent pas stricto sensu un caractère pénal mais relèvent d’un régime de responsabilité spécifique aux gestionnaires publics prévu par le code des juridictions financières. En conséquence, elle a jugé que les agents concernés ne peuvent bénéficier de la protection fonctionnelle sur le fondement du code de la fonction publique. Le Conseil d’État a ajouté que dans la mesure ni le code général de la fonction publique, ni le principe général du droit à la protection fonctionnelle n’imposent à l’administration d’accorder une telle protection à un agent poursuivi devant la chambre du contentieux de la Cour des comptes. Cependant il a également souligné qu’aucune disposition n’interdit à l’administration d’apporter un soutien à l’agent poursuivi, notamment sous la forme d’une assistance juridique ou technique, ce soutien relevant de sa seule appréciation et non d’une obligation légale. VI - Les sanctions. Les sanctions sont listées aux articles L.131-16 et suivants du Code des juridictions financières : - la juridiction peut prononcer à l'encontre de l’agent dont elle a retenu la responsabilité dans la commission des infractions prévues aux articles L.131-9 à L.131-12 et L.131-14 une amende d'un montant maximal égal à six mois de rémunération annuelle de la personne faisant l'objet de la sanction à la date de l'infraction. - pour les infractions visées par l’article L.131-13 (non production des comptes, engagement d’une dépense sans autorisation) l’amende est limitée à un mois de rémunération annuelle de la personne faisant l'objet de la sanction à la date de l'infraction. - pour la gestion de fait la juridiction peut prononcer à l'encontre du justiciable une amende d'un montant maximal égal à six mois de sa rémunération annuelle à la date de la déclaration de la gestion de fait au comptable dans les fonctions duquel il s'est immiscé. Pour fixer le montant de l'amende, la juridiction tient compte de l'importance et de la durée de la détention ou du maniement des deniers, des circonstances dans lesquelles l'immixtion dans les fonctions de comptable public s'est produite, ainsi que du comportement et de la situation matérielle du comptable de fait (art. L131-18). En cas de cumul d'infractions, le montant de l'amende prononcée ne peut excéder le montant de celle encourue au titre de l'infraction passible de la sanction la plus élevée. La juridiction peut accorder une dispense de peine, lorsqu'il apparaît que le dommage causé est réparé et que le trouble causé par l'infraction a cessé (art. L131- 19). Les sanctions seront prononcées par le juge de manière individualisée et proportionnée à la gravité des faits reprochés, à l’éventuelle réitération des pratiques prohibées ainsi que, le cas échéant, à l’importance du préjudice. VII - L’organisation juridictionnelle. Le nouveau régime de responsabilité financière se caractérise par une organisation juridictionnelle unifiée qui garantira les droits des justiciables : - En première instance : une chambre unique de la Cour des comptes comprenant des membres de la Cour et des magistrats des chambres régionales et territoriales des comptes ; - En appel : une formation de jugement mixte présidée par le Premier président de la Cour des comptes et composée de quatre conseillers du Conseil d’Etat, quatre conseillers de la Cour des comptes et de deux personnalités qualifiées. L’appel sera suspensif ; - En cassation : le Conseil d’Etat reste la juridiction compétente. VIII - Jurisprudences. Un exemple de procédure dans le cadre de la nouvelle responsabilité des agents publics. Pour la première fois, le Procureur général a décidé de prendre, dans le cadre du régime de responsabilité financière des gestionnaires publics, un réquisitoire d’initiative sur la base d’informations publiées dans différents organes de presse : l’affaire concerne la vente des meubles du château de Grignon, consentie à des prix qui seraient très inférieurs à leur valeur réelle. Un article sur un jugement avec une étude partielle de la jurisprudence sur la RGP (01/2024)

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