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Article du mois
Chaque mois cette page vous proposera un article de fond sur un des sujets importants pour le gestionnaire dans son quotidien.
01/2024
Les logements de fonction en EPLE Les lycées et collèges sont en général dotés d'un certain nombre de logements de fonction déterminés selon les sections, les effectifs accueillis, les modes d'hébergement (internat notamment) et la politique de la collectivité territoriale de rattachement dans ce domaine. La présence d'un ou de plusieurs fonctionnaires de l'Etat (personnel de direction, d’administration et de gestion, d'éducation et de santé) et des collectivités territoriales (personnels d'accueil, de cuisine, de sécurité, de maintenance) logés dans l'enceinte de l'établissement permet de faire face à bien des situations délicates, de garantir la sécurité des biens et des personnes et d'assurer une meilleure scolarisation des élèves accueillis (cours en soirée, soutien à l'internat, ouverture de l'internat le week-end, etc…). La problématique des logements de fonction dans les EPLE est un des sujets les plus sensibles compte tenu de la position très restrictive en la matière de certaines collectivités. C’est également une des questions où l’insécurité juridique est la plus importante pour les personnels du fait de l’évolution et de la confusion des textes. Face à ce flou juridique, cet article se contentera de présenter la réglementation telle que définit par le code de l’éducation et les éléments d’information apportés par le ministère ou la jurisprudence. L’application du code de l’éducation. Certaines collectivités ont tenté d’appliquer aux logements de fonction des EPLE les dispositions du décret 2012-752 du 9 mai 2012 (1) portant réforme du régime des concessions de logement pour les personnels de l’Etat ; mais cette question est désormais tranchée. Les règles particulières du code de l’éducation pour les logements de fonction des EPLE continuent de s’appliquer, comme cela a été rappelé à plusieurs reprises par le ministre de l’éducation nationale dans des réponses aux questions de parlementaires (2) (3) (4) et par la jurisprudence. Les personnels de l’État au sein des EPLE continuent donc à bénéficier du régime juridique institué par les articles R216-4 et suivants du code de l’éducation. En effet l’article R.2124-78 du code général de la propriété des personnes publiques (CG3P) indique clairement que « les conditions d'attribution de concessions de logement par les régions, les départements et, le cas échéant, les communes et les groupements de communes aux personnels de l'Etat employés dans les établissements publics locaux d'enseignement sont fixées par les dispositions des articles R. 216-4 à R. 216-19 du code de l'éducation ». Cela est dérogatoire par rapport au droit commun applicable aux logements de fonction des autres agents de l’État régi par le code général de la propriété des personnes publiques (art. R2124-64 et suivants), réformé en 2012. La procédure d’attribution des logements de fonction. Une fois l’application du code de l’éducation posée il convient de se référer aux articles concernant les logements de fonction. L’article R216-16 stipule que, sur rapport du chef d’établissement, le conseil d’administration propose la liste des emplois dont les titulaires bénéficient d’une concession de logement par nécessité absolue de service ou par convention d’occupation précaire, ainsi que la consistance des locaux et des conditions financières concernant chaque concession. A noter qu’il n’existe pas de texte fixant un ordre pour l’affectation des logements mais simplement une pratique qui veut que s’il n’y a que deux logements soient logés le chef d’établissement et le gestionnaire ; puis, selon le nombre de logements, l’adjoint au chef d’établissement, le CPE… L’article R216-17 ajoute que le chef d'établissement, avant de transmettre les propositions du conseil d'administration à la collectivité de rattachement en vue d'attribuer les logements soit par voie de concession, soit par voie de convention d'occupation précaire, recueille l'avis du service des domaines sur leur nature et leurs conditions financières. Il soumet ensuite ces propositions, assorties de l'avis du service des domaines, à la collectivité de rattachement et en informe l'autorité académique ou l'autorité en tenant lieu. Il résulte clairement des dispositions du second alinéa de l’article R. 216-17 du code de l'éducation qu'il appartient à l'organe délibérant de la collectivité territoriale de rattachement (CT) d'arrêter la liste des emplois dont les titulaires bénéficient d'une concession de logement par nécessité absolue de service ou les personnes qui bénéficient d’une convention d’occupation précaire ; ainsi que la situation, la consistance des locaux concédés et les conditions financières de chaque concession. Le président de la CT accorde ensuite, par arrêté, les concessions de logement par NAS telles qu'elles ont été fixées par la délibération de la collectivité de rattachement. Il signe également les conventions d'occupation précaire. Pour les NAS, le logement est attribué à une fonction (proviseur, gestionnaire, CPE…) et non à une personne : elle n’est pas nominative. Il convient donc de ne pas confondre l’arrêté de la CT et les documents de concession, traditionnellement appelés « conventions », qui en découlent. Le logement est accordé au titulaire de la fonction visée par l’arrêté, et la personne qui occupe cette fonction signe ensuite un document nominatif qui définit les conditions de la mise à disposition du logement. C’est bien l’arrêté qui ouvre droit à la concession et non la convention qui en découle. Cela implique par ailleurs que le conseil d’administration n’émet pas un avis sur le nom du bénéficiaire du logement de fonction en NAS mais uniquement sur la fonction qui ouvre droit à en bénéficier. Il n’a donc pas à se prononcer ou à émettre un avis à chaque changement de titulaire des fonctions concernées. En cas de changement d’occupant, le nouvel titulaire de la fonction bénéficie du logement laissé vacant par son prédécesseur, sauf si entre temps la liste des logements attribuables a été modifiée par arrêté de la collectivité sur proposition du conseil d’administration. Ce point est important car souvent les conseils d’administration sont appelés à se prononcer chaque année sur la liste alors même qu’aucune modification n’est proposée : il s’agit dès lors d’une simple information du nom des bénéficiaires et non d’un avis. De même il arrive que des CA modifient la répartition (la consistance) des logements attribués et procède à des « échanges » de logements entre les différentes fonctions au gré des mutations et des dérogations. Cela n’est pas conforme à la règlementation puisque seul un nouvel arrêté de la collectivité a le pouvoir de modifier les attributions et leur consistance comme le précise l’article R216-17, alinéa 3 : « toute modification dans la nature ou la consistance d'une concession fait l'objet d'un arrêté pris dans les mêmes conditions ». Outre le fait que de tels modifications d’attribution sans arrêté de la CT sont dénuées de fondement juridique, elles présentent un risque pour l’avenir. Echanger le logement F3 normalement attribué au CPE par le logement F5 attribuée à la fonction de gestionnaire, car ce dernier a obtenu une dérogation, risque de poser problème lors de sa mutation. Le CPE acceptera-t-il de déménager dans son ancien F3 pour laisser le F5 au gestionnaire ? Si on déclare le poste logé du gestionnaire en F3 cela ne sera-t-il pas un handicap par avoir des candidats sur le poste ? Et la situation se complique encore lorsque le logement non occupé fait l’objet d’une convention d’occupation précaire et que son bénéficiaire ne veut pas partir. Mieux vaut donc souvent laisser libre un logement vacant pour cause de dérogation pour s’éviter bien des soucis futurs. Les bénéficiaires d’un logement de fonction. Les personnels de direction, de gestion, d’éducation, de santé peuvent être logés par nécessité absolue de service (NAS) selon les dispositions du code de l’éducation (article R216-5). Les personnels de la collectivité territoriale peuvent également bénéficier d’une NAS mais par une procédure différente (voir infra). Le nombre de personnels pouvant bénéficier d’une convention en NAS dépend des caractéristiques de l’établissement en fonction du nombre d’élèves et d’un classement pondéré défini à l’article R216-6 du code. Lorsqu’il existe des logements non occupés, d’autres personnels peuvent bénéficier d’un logement en occupation précaire (COP). Il convient de noter que le code de l’éducation n’a pas été mis à jour et parle encore d’utilité de service (US) ; mais dans une réponse au Sénat du 09/02/2023, le ministère de l’éducation confirme qu'au régime de concessions de logement par utilité de service s'est substitué le régime prévoyant une convention d'occupation précaire avec ou sans astreinte (4). En dehors des NAS et des COP qui sont régies par des conventions, il existe aussi la mise à disposition temporaire à des personnels de l’EPLE (souvent professeurs contractuels) de chambres ou logements pour quelques nuitées. Le CA d’un EPLE n’a pas compétence pour fixer le montant de la redevance ou d’un tarif de nuitée ; cette compétence appartient à la collectivité territoriale de rattachement. A noter que s’il ne s’agit pas de quelques nuitées mais d’une occupation en continue sur la durée, une COP doit être établie. La notion de nécessité absolue de service. L’article 2124-65 du code général de la propriété des personnes publiques (CG3P) indique qu’« une concession de logement peut être accordée par nécessité absolue de service lorsque l'agent ne peut accomplir normalement son service, notamment pour des raisons de sûreté, de sécurité ou de responsabilité, sans être logé sur son lieu de travail ou à proximité immédiate.». Concernant cette notion, il faut citer une évolution de la jurisprudence sous la pression de certaines collectivités désireuses de limiter le nombre des NAS dans les établissements scolaires. Dans un arrêt du 12 décembre 2014 le Conseil d’Etat a jugé que la collectivité de rattachement était habilitée à vérifier que l’attribution d’un logement de fonction à un personnel de l’État correspondait bien à une nécessité absolue de service : la liste arrêtée par l'organe délibérant de la collectivité territoriale de rattachement « doit être établie en prenant en compte les fonctions qui ne pourraient être exercées normalement par un agent qui ne serait pas logé sur place ». Cette notion de nécessité absolue de service est un des points sensibles sur lequel quelques collectivités s’appuient pour refuser des NAS à certaines fonctions, jugeant que leurs attributions ne nécessitent pas d’être logé. C’est le cas notamment pour des CPE en l’absence d’internat dans l’établissement. Attribution de logements aux ATTEE. Dans deux réponses au Sénat du 09/02/2023 (4) et du 09/03/2023 (5), le ministère de l’éducation a été amené à préciser l’attribution des logements de fonctions pour les ATTEE dans les établissements scolaires. Les organes délibérants des collectivités territoriales ont la faculté d'attribuer des logements de fonction aux personnels techniciens, ouvriers et de service exerçant dans un établissement public local d'enseignement, sur proposition préalable du conseil d'administration de l'établissement précisant les emplois pour lesquels un logement peut être attribué gratuitement ou moyennant une redevance et la situation et les caractéristiques des locaux concernés. Cette proposition préalable ne lie pas la collectivité de rattachement (articles L. 721-1 et L. 721-2 du code de la fonction publique). Le principe de parité entre les différentes fonctions publiques, consacré par la jurisprudence et rappelé notamment en matière indemnitaire à l'article L. 714-4 du code général de la fonction publique, s'oppose à ce que les collectivités territoriales attribuent à leurs agents des prestations venant en supplément de leur rémunération qui excéderaient celles auxquelles peuvent prétendre les agents de l'État occupant des emplois soumis aux mêmes contraintes (CE, 2 décembre 1994, 147962). Ainsi, les avantages liés à l'attribution d'un logement de fonction aux agents territoriaux ne peuvent être plus favorables que ceux prévus pour les agents de l'État ; cela s'applique à la définition des emplois ouvrant droit à l'attribution d'un logement de fonction comme aux conditions de concession de ce logement. La fin des concessions de logement. La durée des concessions de logement par NAS est limitée à celle de l'exercice des fonctions au titre desquelles les bénéficiaires les ont obtenues. La durée d’une convention d'occupation précaire est en principe d’une année scolaire et peut être renouvelée. La concession ou la convention d'occupation précaire prend également fin en cas d'aliénation, de nouvelle affectation ou de désaffectation du logement. L'occupant du logement en est informé au moins trois mois à l'avance. La concession ou la convention prend également fin si le bénéficiaire ne s'acquitte pas de ses obligations financières ; et sur proposition de l'autorité académique ou de l'autorité en tenant lieu, lorsque le bénéficiaire ne jouit pas « raisonnablement » des locaux, selon la nouvelle formule du code civil. Lorsque la concession ou la convention d'occupation vient à expiration pour quelque cause que ce soit, le bénéficiaire doit quitter les lieux dans le délai qui lui est imparti conjointement par l'autorité académique ou l'autorité en tenant lieu et la collectivité de rattachement, sous peine d’une astreinte financière. Les aspects financiers du logement. Seules les concessions de logement accordées par nécessité absolue de service comportent la gratuité du logement nu. Les charges locatives sont remboursées à l'établissement, sous réserve des prestations accessoires accordées gratuitement aux personnels en NAS. La collectivité de rattachement fixe chaque année le taux d'actualisation de la valeur de ces prestations accessoires. Les concessions d’occupation précaire ne comportent aucune prestation gratuite. Le bénéficiaire (l’occupant) doit s’acquitter d’une redevance (loyer) déterminée par la collectivité de rattachement après avis du service des domaines. En raison de la précarité de l’occupation, un abattement de 15 % est généralement appliqué sur le montant estimé de la redevance. Le bénéficiaire de la COP prendra à sa charge le règlement des charges locatives et versera également, à titre de remboursement, la fourniture éventuelle par l’EPLE de charges locatives (électricité, eau, chauffage, etc…). La convention précisera si ces divers montants sont à verser à l’établissement qui les conservera, ou à la collectivité. Que ce soit en NAS ou en COP, le bénéficiaire a l’obligation de souscrire une assurance multirisques habitation et responsabilité civile. La plupart des concessions ou convention prévoient d’ailleurs la communication des attestations d’assurance. L’occupant est soumis également au paiement de la taxe sur les ordures ménagères et de la taxe d’habitation s’il en reste redevable. Le bénéficiaire aura également à sa charge les réparations autres que celles incombant au propriétaire. Le décret n°87-712 du 26 août 1987 (6) comporte en annexe une liste des réparations locatives qui peut être utile pour définir ce que l’occupant doit prendre à sa charge. Un état des lieux à l’entrée et à la sortie du logement doit normalement être établi. Les collectivités ont la possibilité d'exiger de l'agent bénéficiaire d'une concession, le dépôt d'une garantie (caution) susceptible de compenser, le cas échéant, d'éventuelles dégradations subies par le logement. Ce dépôt de garantie ne présentant pas un caractère obligatoire, la collectivité compétente peut en exonérer le futur attributaire du logement de fonction (7). Le logement de fonction en NAS (valeur locative plus prestations accessoires gratuites) est considéré comme un avantage en nature et doit donc être déclaré. A ce titre, il est soumis à l’impôt sur le revenu et aux contributions sociales et de retraite. L’évaluation de l’avantage en nature logement en vue du calcul des cotisations de sécurité sociale et de l’assujettissement à l’impôt sur le revenu fait l’objet chaque année d’une note rectorale avec un mode de calcul. L’avantage en nature est estimé soit forfaitairement, soit d’après une valeur locative servant à l’établissement de la taxe d’habitation, enrichie des prestations accessoires. Le gestionnaire remplit l’enquête et la transmet aux services rectoraux pour imputation sur le traitement de l’agent. Il faut bien distinguer deux choses différentes : l’avantage en nature pour le calcul de l’imposition dont le montant figure sur le bulletin de paye, et les prestations en nature. Le logement de fonction constitue, en principe, la résidence principale de son bénéficiaire. Les astreintes liées aux logements. Les astreintes sont notamment définies par le décret consolidé 2000-815 du 25 août 2000 (article 5) : « Une période d'astreinte s'entend comme une période pendant laquelle l'agent, sans être à la disposition permanente et immédiate de son employeur, a l'obligation de demeurer à son domicile ou à proximité afin d'être en mesure d'intervenir pour effectuer un travail au service de l'administration, la durée de cette intervention étant considérée comme un temps de travail effectif ». Même si elles peuvent également concerner des personnels logés en COP ou non logés, les astreintes (on parle parfois de permanences de sécurité) concernent principalement les bénéficiaires d’un logement en NAS. Pour les personnels de l’Education nationale non logés par NAS, l’arrêté du 15 janvier 2002 définit les compensations horaires des temps d’astreinte. Mais l’article D911-34 du code de l’éducation précise que les temps d'astreinte des personnels logés par nécessité absolue de service ne donnent pas lieu à compensation ; seul le temps d'intervention demandé pendant l'astreinte donne lieu à récupération. Ces astreintes diffèrent selon les besoins des établissements car les textes ne définissent aucune durée ou périodicité pour les astreintes ou les permanences. Il incombe donc au chef d’établissement, en liaison avec les agents concernés, d’établir le cas échéant un planning permettant de les répartir équitablement entre les personnels logés pour nécessité absolue de service, pendant les périodes hors de la présence d’élèves : soirée, nuits, week-ends, jours fériés, vacances scolaires… Depuis quelques années des collectivités territoriales cherchent à réduire le nombre de logements de fonction dans les établissements scolaires, notamment en collège, arguant du coût qu’ils représentent pour la collectivité et du nombre important de non occupation suite aux dérogations obtenues par les bénéficiaires. Faut-il y voir un mouvement conduisant à terme à la disparition des NAS en EPLE ? Certains pourront s’en réjouir car ils considèrent le logement de fonction comme une contrainte pour divers motifs : logement familial existant, lieu de travail du conjoint, logement inadapté à la famille, vétuste, bruyant, localisation, contraintes de l’environnement, etc… et cherchent à obtenir des dérogations. Mais il ne faut pas oublier qu’une NAS représente aussi un avantage financier considérable, notamment pour les nouveaux gestionnaires ou dans certaines régions où il est difficile de se loger à un coût raisonnable. (1) Décret 2012-752 du 9 mai 2012 portant réforme du régime des concessions de logement : https://www.legifrance.gouv.fr/loda/id/JORFTEXT000025837547 (2) https://www.senat.fr/questions/base/2014/qSEQ140511651.html (3) https://questions.assemblee-nationale.fr/q15/15-10396QE.htm (4) https://www.senat.fr/questions/base/2022/qSEQ221204387.html (5) https://www.senat.fr/questions/base/2021/qSEQ211125485.html (6) Décret n°87-712 du 26 août 1987 comportant en annexe une liste des réparations locatives : https://www.legifrance.gouv.fr/loda/id/LEGITEXT000006066148/ (7) Caution : https://www.senat.fr/questions/base/2012/qSEQ120700089.html